Intervention divine (2002) de Elia Suleiman; Une main cachée ou absente?

Yesmine Ben Salah
3 min readMay 13, 2021

dimanche 20 décembre 2020

11:14

The infinite recognition (1963), R. Magritte

Le film commence sur un ton de sarcasme et d’ironie; le père noël chassé par les gamins et le père d’Elia qui maudit discrètement ses voisins tant qu’il les salue de manière systématique. Et on trouvera plus tard que cette séquence là résume bien la tension entre monotonie et violence latente qui persiste tout au long du film.

On remarque que presque tous les habitants du quartier plongent dans la conformité totale. Ceci est exprimé dans les moindres détails comme les bouteilles collectionnées sur le toit par le vieil homme, les post-its bien ordonnées sur le mur d’Elia, les cigarettes qui vont et viennent tout au long du film jusqu’aux visages impassibles des personnages.

Et puis, on accompagne ces individus engourdis et incapables de manifester des réactions explicites, à l’instar de l’indifférence d’Elia à l’explosion du char militaire causé par lui-même, ou bien l’impassibilité du mécanicien et ses amis envers la situation supposée être comique du jeune homme. Et d’ailleurs cela pose la question: Est-ce qu’on peut considérer tout absence de réaction comme indifférence?

Cette disjonction entre action et réaction est rompu pourtant par des gestes de provocation (l’homme qui refuse de déplacer sa voiture, l’autre qui jette tout le temps sa poubelle dans le jardin de sa voisine…) qui engendrent cette fois-ci des réactions violentes inattendues (on lui arrache la plaque d’immatriculation, la voisine rejette ces poubelle dans la maison du voisin,..). Cela nous révèle que ces individus refoulent après tout des émotions de rancune, et ceci est encore accentué par les multiples actes de destruction destinées aux objets ainsi qu’aux êtres vivants ( bruler, casser, abattre, détruire..). Toujours ces actions sont filmées à distance ou en hors champs. Ce qui nous donne l’impression que ces gens perçoivent leurs propres actions à cette distance et ce point de vue-là.

Il parait que dans cette configuration, les forces réactives ont vaincu encore une fois les forces actives. C’est tout simplement le triomphe du nihilisme, une véritable “dégénérescence”. C’est une vie malade qui triomphe, une vie réduite à ses processus réactifs, qui ne sont même pas destinés vers l’ennemi mais plutôt au voisin. Et pour cette raison, ainsi qu’à partir les séquences qui filment l’occupant Israélien, on peut expliquer cette attitude des habitants par une sorte de projection de la souffrance et l’humiliation (voir séquence du point de contrôle avec le policier qui porte un mégaphone, et celle de la touriste qui demande le chemin) causées par l’occupant et refoulées pendant longtemps.

Enfin, Elia et son amant voulaient intervenir, être une exception, en décidant de prendre un peu les choses en main. Ils truquent l’occupant pour traverser le point de contrôle, ils y jettent des explosifs…etc. Le film les présente comme symbole de résistance (finalement j’ai dû utiliser le mot résistance!).

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